Un matin, alors que je traverse la cour, j'aperçois le chauffeur Micha s'affairant dans le garage. Il est ordinairement fort bavard, mais ce matin après m'avoir salué il désire se débarrasser de moi au plus vite. Pendant que nous échangeons quelques paroles, je vois dans son garage une belle voiture allemande. L'interrogeant, il me répond gêné:
– Ce n'est rien...
Quelques jours plus tard, contrôlant les factures de notre service, je trouve la clef du mystère. Une facture destinée personnellement au général Chabaline y a été mêlée par erreur. Cette facture envoyée par une usine d'autos allemande, atteste que Chabaline y a acheté cette voiture pour la somme fictive et ridicule de quelques centaines de marks. C'est par cette formule délicate que la direction de l'usine s'est acquis les bonnes grâces du général.
Beaucoup d'autres officiers ont suivi l'exemple de Chabaline et la circulation dans Karlhorst est devenue infernale. Personne ne veut respecter les règlements de la circulation. Nos officiers ont trouvé un système fort simple: les grosses voitures foncent à toute allure, pulvérisant sur leur passage les véhicules plus légers. Bien sûr, ce sont les camions qui ont le dernier mot. Le seul moyen de sauver sa vie est donc d'acheter un camion...
Mais un beau jour, le général lieutenant Kourassov, chef de l'Etat-Major se trouvant à un carrefour particulièrement animé, reçoit sur le crâne les morceaux de la carrosserie de sa Mercedes. C'est un beau vacarme! Aussitôt après, tous les croisements de rues s'illuminent d'inscription impératives et restrictives. Tous les deux mètres sont postés des hommes du Service d'Ordre Allemand. Des patrouilles de l'auto-inspection militaire sur moto, commencent à circuler dans tous les sens avec un bruit assourdissant.
Malgré ces difficultés et ces embûches, mes camarades sont pris d'une véritable fièvre: chacun veut acheter une voiture. Prises au dépourvu, les autorités soviétiques n'ont encore pu mettre en vigueur un contrôle du rouble en Allemagne. C'est donc l'âge d'or! Et nombreux sont les jeunes lieutenants russes qui rêvent de traverser en bolide les rues de leur ville natale, quelque part en Russie centrale, sur des voitures allemandes...
Mais nos autorités, ressaisies, commencent à prodiguer leurs soins paternels. Un permis de circulation est mis en vigueur. Les officiers qui n'obtiennent pas ce permis se voient confisquer leur voiture, ces dernières devenant d'office propriété de l'Etat Soviétique. Et pendant que les officiers s'agitent dans leurs bureaux, les garages et les dépôts de Karlhorst sont minutieusement visités par des patrouilles de l'auto-inspection armées jusqu'aux dents.
Et sont ainsi confisquées toutes les voitures qui ne sont pas munies de documents prouvant qu'elles sont la propriété privée d'un officier. Cependant, chose curieuse, la société sans classe est de plus en plus compartimentée. Karl Marx lui-même n'aurait pas su expliquer ce phénomène. Car, anticipant sur les événements, je crois intéressant de préciser qu'en 1945, nos officiers pouvaient obtenir des titres de propriété sur une voiture à partir du grade de commandant. En mai 1946, après de nouvelles restrictions, ce fut à partir du grade de colonel.
J'apprends bientôt que ceux de mes camarades qui ont voulu persévérer et ont entrepris en automobile un voyage en URSS ont dû abandonner leur véhicule à la frontière. Car les fonctionnaires de la douane exigent le paiement d'un impôt cinq ou six fois supérieur au prix de la voiture. Vieille manœuvre soviétique: "Chez nous tout est autorisé, il suffit de remplir une petite formalité et de payer une légère indemnité à l'Etat"... Ayant abandonné sa voiture, l'officier mélancolique se trouve dans le train roulant vers l'URSS.
Ses compagnons de route le consolent: "Ne te désole pas Vania! Ce qui vient de t'arriver est pour le mieux, tu t'es garanti contre des ennuis encore plus grands! Réfléchis donc une seconde. Tu arrives dans ta voiture à Moscou, pour l'enregistrer, tu dois produire un certificat attestant que tu disposes d'un garage moderne. Où le trouveras-tu, Vania, puisque toi-même tu vis dans une baraque en bois? D'autre part, comment veux-tu te procurer le "limite" te donnant droit à des bons d'essence?
On te le refusera, comme à tout le monde. Et si tu commences, Vania, à chercher de l'essence "à gauche" tu aboutis à deux solutions: la faillite ou l'emprisonnement..." Une tête hirsute apparaît alors de la banquette supérieure et commence à son tour de verser le baume de consolation: "Réjouis-toi, Vania, de t'en être tiré à bon marché... Un capitaine démobilisé est arrivé dans ma ville natale en pilotant une splendide Mercedes... Eh bien, ce capitaine a contracté pour sa vie entière une maladie de nerfs..."
Et des récits savoureux continuent ainsi jusqu'au terme du voyage. La petite histoire ne nous apprend pas si, une fois rentré chez lui, notre officier se sent sincèrement heureux d'avoir été libéré de l'auto-esclavage et d'être ainsi redevenu un membre conscient et libre de la société communiste.
Témoin des revers et des malheurs de mes collègues, je suis pris par le désir sportif d'extorquer à mon chef Chabaline le titre de propriété d'une voiture de 6 chevaux. Les affaires de ce genre dépendent en principe du général Demidov; mais j'ai décidé d'être audacieux et de m'adresser directement à Chabaline.
Un soir donc, après avoir fait mon rapport quotidien, je dépose devant lui une demande écrite de voiture. Ayant parcouru mon papier, Chabaline, du ton le plus officiel, me demande:
– Pourquoi donc avez-vous besoin d'une voiture, vraiment je ne vois pas?
Il a pris son expression la plus puritaine. Il doit se considérer en ce moment comme le rempart des idées communistes. Et si le maréchal Montgomery ou le général Clay lui adressaient ce soir la même demande, il leur répondrait probablement sur un ton d'apôtre: "Je ne vois vraiment pas pourquoi il vous faut une voiture!"
Repoussant de la main ma demande, Chabaline poursuit:
– En ce moment, d'ailleurs, je n'ai pas le temps de voir cette affaire de près. Je change de tactique:
– Puis-je, dans ce cas, m'adresser au général Demidov?
– Oui. S'il vous plaît! Tant que vous voulez, me répond-il d'une voix devenue aimable.
J'ai pigé le truc. Il ne veut nullement me désobliger, mais n'ayant pas dans cette matière la conscience très tranquille, il préfère passer à un autre le soin de décider.
En sortant de chez Chabaline, je me précipite chez Demidov. II est hiérarchiquement subordonné à Chabaline, ce qui donne à ma démarche un certain poids:
– Mon général, j'ai l'honneur de vous présenter une demande pour l'obtention d'un titre de propriété sur une auto de 6 chevaux. J'ai fait, à ce sujet, mon rapport au général Chabaline et ce dernier est d'accord.
– Une voiture de 6 chevaux? Ordinairement nos officiers n'ont droit qu'à des voitures ne dépassant pas 4 chevaux. Je continue à me payer d'audace:
– Le général Chabaline a pris en considération mes motifs. Il est peut-être préférable que vous lui téléphoniez pour avoir des explications.
Sachant que Demidov ne prendra pas sur lui la responsabilité de téléphoner à Chabaline, par ce moyen j'obtiens gain de cause et le général Demidov me délivre les papiers nécessaires.
Je rode ma voiture dans les rues de Karlhorst, je m'habitue tant bien que mal à faire l'acrobate du volant, et je fuis les camions, en fonçant précipitamment sur les trottoirs. Après ces exercices, où règne la loi du plus fort, je suis presque gêné lorsque je m'aventure dans les autres secteurs de Berlin. Je sens que je ne suis pas chez moi. Je roule poliment sur une large avenue du secteur américain et je serre les freins dès que j'aperçois un mastodonte made in U.S.A.
D'après les usages qui régnent chez nous, un pareil véhicule est de taille à écraser la voiture du maréchal lui-même. Mais au lieu de foncer, le Yankee gaspille son essence et fait pousser un soupir d'éléphant à ses freins pneumatiques. Il se donne même la peine de se pencher à la portière pour me faire signe avec la main de passer. Toute son attitude semble me dire: "Mais avance donc, je n'ai pas l'habitude d'écraser les petits".
Un groupe de nos officiers est installé sur l'herbe devant l'édifice principal de notre Administration. Ils se chauffent au soleil d'automne, attendant d'être appelés par le chef de l'Etat-Major; ils fument et bavardent entre eux. Un jeune lieutenant raconte:
"Hier, je me suis assis dans le square en face du Capitole. Dans ce square, il y a une espèce de "baba" en pierre. A ses pieds, se trouve un monticule de terre, on y a planté un petit drapeau tricolore. J'ai demandé aux Allemands qui étaient là ce que cela signifiait.
Ils m'ont dit que c'était la tombe d'un Français. Un sans doute qui ne s'est pas couché à temps. On l'a donc enterré à l'endroit même où il est tombé. Il ne doit pas se sentir heureux. On est quand même mieux enterré dans un champ, là où les hautes herbes sont bercées par le vent. Ce pauvre Français n'a même pas la possibilité de dormir tranquille.
Durant la fête du 7 novembre, nos sapeurs ont installé leurs feux d'artifice tout près de sa tombe. Le vacarme était tel que la moitié de Berlin s'est réveillée en sursaut. Les Allemands ont dû croire que c'était encore la guerre. Un autre lieutenant intervient à son tour:
– On m'a dit que quelque part à Berlin, il y avait une tombe du soldat inconnu. Là brûlait un feu éternel. On pouvait descendre dans la tombe et voir un morceau du ciel par un trou rond fait au milieu du plafond. Celui qui pénétrait là-dedans se sentait comme à mi-chemin entre les vivants et les morts. C'est là que les Allemands venaient calmer leur conscience, en pensant à ceux qui pourrissaient sans sépulture dans les champs et les forêts. C'est bien, en somme... Chaque mère qui venait là, pouvait penser que les cierges qui brûlaient près de cette tombe, brûlaient aussi un peu pour son fils à elle... On dit qu'à Paris, il y a aussi un truc semblable, au plus bel endroit de la ville, juste sous la Tour Eiffel.
– Moi en Russie! intervient le premier lieutenant, je n'allais au cimetière que pour arracher des feuilles de zinc des cercueils. De toute façon, les tombes avaient été défoncées... Les voyous s'occupaient de déshabiller les morts. Il faut dire que nos morts étaient mieux équipés que les vivants! Moi j'avais besoin de zinc pour mes accumulateurs... Un capitaine veut placer son mot:
– A Gorki, ma ville natale, on a fait mieux. Au milieu de la ville, il y avait un vaste cimetière; le Soviet local décida de le transformer en parc. On laboura le cimetière de part en part et on aménagea le parc Sverdlov consacré à la culture et au repos. Il y avait là de tout: amusements, grande piste pour la danse. On avait pris l'habitude de dire dans ma ville: allons danser! Où ça? mais au club des vivants et des morts! De cette façon, les vivants s'amusaient et les morts avaient un peu de distraction. Les filles dansaient des fox-trott sur les tombes de leurs pères... Mais les vieilles qui passaient par là se courbaient en murmurant des prières et en faisant des signes de croix.
Mais au lieu de faire rire, le récit provoque une impression pénible. Tout le monde se tait gêné. Et le capitaine, regardant sa montre:
- Outkine ne viendra sans doute pas. Inutile de l'attendre, allons déjeuner.
* * *
Un jour, le Major B. et moi décidons de faire une grande promenade qui nous mène dans les calmes rues du secteur anglais vers le Kurtfurstendamm. C'est un dimanche ensoleillé mais les rues sont désertes. Nous avançons sur une petite place joliment ombragée au carrefour de trois rues. Sous de grands marronniers, loin des agitations de la grande ville, deux petits monticules de terre, deux tombes...
Nous nous approchons. Deux croix identiques faites avec des branches. Sur l'un des tombe repose un casque allemand, sur l'autre un casque soviétique. Un casque soviétique? Les habitants du quartier ont sans doute découvert après un combat de rue ces deux cadavres et les ont enterrés à l'ombre des marronniers.
Une émotion profonde me saisit. Le visage de mon compagnon change aussi d'expression. Des fleurs fraîches! et sur les deux tombes! Comme si nous en avions reçu l'ordre, nous enlevons nos képis en échangeant un coup d'œil. Le major sort son mouchoir et s'éponge le front.
Une petite vieille s'arrête près de nous, curieuse. Deux officiers russes, voilà bien un spectacle rare dans cette partie de la ville.
– Qui a mis des fleurs sur les tombes? lui demande le major d'une voix glaciale et autoritaire.
Nous grimpons l'escalier à moitié démoli de la maison que nous a montré la vieille. L'Allemande qui nous ouvre la porte, recule, effrayée, en voyant nos uniformes. Le major fait un geste rassurant de la main:
– Nous avons vu des fleurs sur les deux tombes! Est-ce vous qui les avez déposées?
La femme qui n'est pas encore remise de sa frayeur, balbutie, hésitante:
– Oui... je me suis dit...
Le major prend son portefeuille et sort, sans la vérifier, une liasse de billets de banque -- quelques milliers de marks -- et la pose sur la table.
– Continuez à mettre des fleurs, murmure-t-il. Puis il ajoute très doucement: Bien entendu, sur les deux tombes!...
Puis, sortant une feuille à en-tête de notre Administration militaire, le major, d'une large écriture, rédige l'ordre suivant:
"Les soldats et les officiers russes sont priés de prêter assistance à Frau..." II signe la feuille, la tend à la femme surprise:
– Et s'il vous arrive de rencontrer des militaires russes, cette feuille vous rendra service.
– Avez-vous un mari ou des enfants? demandai-je à l'Allemande.
– Mon mari et mon fils ont été tués sur le front. Mon second fils est en captivité.
– Où cela?
– En Russie...
Le major jette un coup d'œil sur la carte postale standard ornée de la Croix-Rouge. Avant noté le nom du prisonnier et le numéro de la poste militaire, il s'adresse à moi:
– Je vais écrire au commandant du camp et aux autorités compétentes. Je ferai tout ce qu'il est possible pour qu'il soit libéré avant terme.
Lorsque nous sortons, tout est inondé de soleil. Sur le trottoir, comme au milieu de la rue, se promènent des pigeons aux ailes grises et aux yeux rouges. Ils ne s'envolent pas à notre approche, se bornant à nous céder poliment la route.
Les tilleuls et les marronniers de Berlin bruissant doucement au-dessus de nos têtes. Autour de nous la vie continue. Mais la vie acquiert une douceur nouvelle lorsqu'il n'y a plus de haine dans les cœurs.
Une patrouille de la Kommandantura soviétique passe dans notre paisible rue. Ce sont deux soldats aux brassards rouges, porteurs d'une mitraillette. Non loin d'eux, un Allemand, très vieux, vend des journaux. Il remue péniblement ses pieds plongés dans d'énormes chaussures montantes. Lorsque les deux soldats de la Kommandantura sont près de lui, il leur envoie un baiser et murmure faiblement:
– Kamarades! Une cigarette?
L'un des soldats, irrité sans doute d'être interpellé sans cesse par des mendiants, prend le vieillard par le collet et sans hâte, le repousse. Cette jeune force est inconsciente. Car, tel un misérable sac de vieux linge, le mendiant roule sur les pavés. Ses bottines gigantesques voltigent dans l'air et le paquet de journaux s'éparpille en éventail. Exhibition pénible de la vieillesse impuissante.
Je me dispose à rappeler à l'ordre le soldat mais je n'ai pas le temps d'intervenir. Il s'est lui-même précipité au secours du vieux, le reprend au collet, et s'efforce de le remettre debout. Sa sollicitude est peut-être un peu brutale, mais sa bonne volonté est certaine. Ses efforts sont vains, car le vieux plie dans ses bras comme un pantin.
– Lâche-le, tant pis pour lui, grogne le second soldat.
– Non, attends-moi! Mais remue donc! diable de fritz, s'écrie le premier, cherchant à cacher sous des mots grossiers, son inquiétude. Toi, Fritz, vouloir manger? essaie-t-il de lui dire en allemand...
Le vieux qui s'est écroulé sur un monticule de cailloux, se tait en fixant d'un regard vague les pavés de la rue.
– Ah, il finira bien par crever ici-même, conclut le soldat en cherchant autour de lui... une solution.
Près des soldats, passe une jeune fille-sergent. Elle porte un cabas, au fond duquel mêlés à divers objets, on peut apercevoir Une dizaine de paquets de cigarettes. Le résultat d'un troc, sans doute! Sous le bras de la jeune fille, un pain. L'homme de la patrouille tend la main et s'en empare:
– Tu semblés ignorer que le troc est interdit... Là jeune fille disparaît dans la foule sans demander son reste. Mais la miche de pain est restée dans la main du soldat. II revient vers le vieillard, autour duquel des passants ramassent des journaux et les déposent à côté de ses immenses bottines.
– Du pain, fritz, lui hurle le soldat à l'oreille.
Il fourre la miche de pain dans les mains du vieillard et rejoint son camarade pour continuer sa ronde...
Il y a beaucoup d'enfants dans Berlin. Durant la guerre, les chefs militaires allemands accordaient régulièrement et le plus fréquemment possible des permissions aux soldats de la Wehrmacht. Ainsi, en dépit des privations et des exigences guerrières, la courbe des naissances ne fléchissait pas. Nous voyons aujourd'hui les fruits de cette politique, et nous en sommes profondément surpris, car en URSS, on ne voit presque pas d'enfants. Le soldat de l'Armée Rouge n'avait pas de permission!
Nous sommes aussi surpris par le grand nombre de fleuristes qui continuent leur commerce au milieu des ruines de Berlin. Boutiques de fleurs! Quelqu'un vient de déblayer l'amoncellement de ruines, d'ajuster tant bien que mal une fenêtre, et voilà une petite boutique pleine de fleurs, ouverte au public!
Voilà bien les beautés de l'initiative privée! D'ailleurs, en URSS les fleurs sont considérées comme "un élément social étranger". Certes, quelle utilité peut avoir une fleur dans la construction du communisme? Alors, qu'on envoie les fleurs au diable, ou qu'on les jette dans la poubelle de l'Histoire avec les autres préjugés de la société bourgeoise! Il y a quelques exceptions: les fleurs ornent les cercueils des chefs bien-aimés, et jouent un rôle décoratif dans la réception des hôtes étrangers de marque... ou dans les montages de films; dans tout Moscou, il y a peut-être deux ou trois fleuristes. Je dis peut-être, parce qu'en vérité, je n'en ai jamais vu un seul.
Beaucoup d'Allemandes traînent avec elles des petits chiens. Dans les tramways, ces petites bêtes bizarres sont assises sur les genoux de leur maîtresse et prennent un air important. Beaucoup d'Allemands n'ayant pas une nourriture suffisante, ont quelque fois de la peine à se tenir sur leurs jambes, mais même en ce cas, elles ne se séparent pas de leurs petits toutous.
Je regarde souvent ces bêtes avec curiosité, car elles appartiennent à une espèce qui n'existe plus en Russie. Les seuls chiens qui aient survécu chez nous sont des bâtards, des chiens de garde ou des bergers allemands. Posséder un chien semblable à celui des dames berlinoises serait chez nous considéré comme une manifestation anticommuniste. L'animal et son propriétaire seraient immédiatement enregistrés à la NKVD sous la rubrique: "déviation capitaliste"...
Berlin gît sur ses ruines, mais au-dessus d'elles fleurissent déjà les bourgeons de la vie nouvelle...
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