Gregory Klimov. Berliner Kreml

Soldat Et Citoyen

Dans l'ensemble, la guerre semble avoir peu troublé la vie de la capitale. Ceux qui ont lu les comptes rendus des combats aériens dans le ciel moscovite, sont étonnés de ne voir nulle part les traces des bombardements. Dans la rue Gorki j'ai vu une seule maison endommagée par une bombe.

Encore dut-on me l'indiquer de la main pour que je la remarque. Les parties soufflées avaient été camouflées immédiatement par des panneaux en bois peints de la même couleur que les murs, comme dans un décor de cinéma. Beaucoup de Moscovites sont intrigués par le problème suivant: est-il possible que les Allemands n'aient pas eu les moyens et la possibilité de flanquer deux ou trois petites bombes sur le Kremlin?

Rien que pour plaisanter, pour donner un peu la frousse aux hôtes illustres du palais. La station de métro Kirov, la plus profonde de toute la ville, située non loin du Kremlin, avait été transformée en abri réservé aux autorités. De plus, cet abri était relié au Kremlin par un passage souterrain. Travaux qui avaient été exécutés bien avant le début des hostilités.

En 1942, à l'approche des armées allemandes, le gouvernement avait été évacué à Kouybychev. A ce moment on annonçait pompeusement dans tous les journaux que Staline était demeuré à Moscou. Les Moscovites ajoutaient à voix basse qu'on était en train de creuser précipitamment un autre passage souterrain, reliant cette fois le Kremlin avec la Volga (La ville de Kouvbychev éloignée de plusieurs centaines de kilomètres de Moscou, est située sur les rives de la Volga  Note du traducteur).

Aujourd'hui, les milieux gouvernementaux sont presque tous revenus dans la capitale. Celle-ci s'est ranimée et offre le spectacle du temps de paix. Les immenses saucisses qu'on lève chaque soir dans les airs paraissent périmées et inutiles.

Les patrouilles de police sont exceptionnellement sévères. Les policiers cherchent chicane à tout le monde. Non seulement ils vérifient les papiers mais ils inspectent aussi la bonne tenue des uniformes. Gare à celui dont les boutons sont mal astiqués, les chaussures boueuses... On l'emmène tout droit à la Kommandatura où, durant trois ou quatre heures, il fait des exercices militaires afin d'apprendre à rentrer dans l'ordre.

Les policiers hargneux qui stationnent près du métro Krasnosselska, sont depuis quelque temps inquiets. Des jeunes gens insolents, pleins d'assurance, circulent dans les parages. En principe, ce ne sont que des soldats puisqu'ils n'ont pas de galons. Mais, ils arborent des épaulettes singulières, à fond rouge et à rayures d'or. La tenue n'est d'ailleurs nullement réglementaire.

Les soldats de l'arrière sont souvent tentés de porter la capote d'officier faite sur mesure, ornée de revers et de deux rangs séduisants de boutons. Connaissant cette tentation, les policiers militaires de la Kommandatura font impitoyablement la chasse aux coupables. Mais ces gaillards insolents aux épaulettes rayées d'or sont tous, jusqu'au dernier, vêtus de capotes de bonne laine de couleur verte provenant d'Angleterre. Et ce n'est pas tout.

Tous portent des bottes toutes neuves, en cuir souple et élégant, et des bonnets en vrai caracule. Or, rares sont les officiers qui peuvent se permettre un tel luxe. La plupart de ces singuliers soldats brandissent aussi des serviettes. Chacun sait pourtant que dans l'armée, les mains servent à faire le salut ou le garde-à-vous, non à tenir des serviettes.

Au début, les policiers de la Kommandatura furent très étonnés. Puis, pressentant une riche pâture, ils demandèrent leurs papiers à ces nouveaux venus. Mais au lieu de modestes livrets militaires de l'armée rouge, ces rôdeurs exhibèrent des certificats d'identité rouge vif, ornés du blason de l'URSS et en lettres d'or, les mots "Académie Militaire". C'était au tour du policier de se mettre au garde-à-vous.

Cependant certains de nos étudiants de première année n'ont pas encore le grade d'officier. Lorsque le fils de l'un de nos chefs du prolétariat a l'âge de faire son service militaire, les choses se déroulent fort simplement. Le papa décroche le téléphone et appelle le général Biazi, chef de notre Académie.

– Nicolas Nicolaevitch, comment vas-tu? Comment vont les affaires? Je pense t'envoyer mon jeune gaillard, parle-lui un peu!

Ça n'est pas plus difficile que ça. En temps de guerre, des jeunes garçons ont ainsi la possibilité de faire leur service sans trop troubler leurs loisirs, sans même quitter leur domcile, sans courir les risques inhérents à la profession. Car, privilège tout à fait extraordinaire, nous avons le droit de vivre chez nous si cela nous plaît. Les étudiants de l'Académie montent d'un grade après chaque année d'études.

C'est ainsi qu'un jeune homme termine les cours de 4e année avec les galons de capitaine, s'il est entré comme simple soldat. Par contre, il y a des capitaines qui sont débutants de première année. Ce qui compte, chez nous, ça n'est point le grade, mais le nombre d'années d'études.

Notre 4e cours de la section allemande de la Faculté Occidentale ne compte que huit étudiants. Ils ont été recrutés un peu partout. Mais tous sont déjà des habitués des études universitaires. Le niveau est très élevé, ce qui explique d'ailleurs pourquoi le programme est particulièrement chargé. Nous travaillons énormément, et en dehors même des études, nousdevons assimiler rapidement ce qu'on appelle chez nous:

"les disciplines spéciales". Par exemple: les règlements de l'armée. l'armement de l'armée, l'organisation de l'armée, les services spéciaux de l'armée. Ce dernier terme, fort modeste en apparence, signifie espionnage et contre-espionnage. Car l'armée dont nous nous occupons n'est pas l'armée soviétique, mais l'armée allemande.

Dans les disciplines spéciales, ce sont les textes originaux (allemands) et les règlements en vigueur qui nous servent de manuels. Il est défendu de prendre des notes, lorsqu'il s'agit de matières particulièrement délicates. Mais nous avons à notre disposition des résumés préparés à la ronéo. Chaque exemplaire est soigneusement numéroté.

On doit en prendre livraison en signant un reçu et en laissant, à titre de garantie, ses papiers personnels. La lecture n'en est permise que dans une salle d'études spéciales. Le texte de ces résumés n'est habituellement en retard sur les événements que d'un mois.

Dans la rubrique informations figurent non seulement les moyens dont dispose l'ennemi, mais aussi ceux qui n'existent qu'à titre de projet ou en voie de préparation. Souvent, ces résumés sont accompagnés de photographies des textes originaux. Parmi ces photos on distingue celles qui ont été faites sur des documents pris à l'ennemi, de celles qui ont été prises dans des conditions infiniment plus dangereuses et incommodes. Certaines portent nettement les traces du micro-appareil. Ces micros peuvent tenir dans un bouton ou dans la feriiieture d'un sac de dame.

Un homme, ayant travaillé dans une branche quelconque, s'imagine dans les débuts qu'il a tout appris parfaitement. "lais plus il apprend, plus il doute de ses connaissances. Personnellement je m'en rends compte maintenant en abordant des problèmes dont je n'avais nulle idée. On nous oblige a déchiffrer des textes du moyen âge en caractères gothiques. Ou dans un allemand vieux de plusieurs siècles, que de nos Jours aucun Allemand ne pourrait déchiffrer. Celui qui s'avisera de lire le Niebelungenlied dans l'originale m'en dira des nouvelles! Ce n'est pas tout. D'après la façon dont un Allemand prononce les mots "oie rôtie" nous devons déterminer le lieu de son origine... à quelques kilomètres près.

Nous devons savoir ce qu'on mange et ce qu'on boit dans chaque petit coin d'Allemagne, comment on s'y habille. Nous devons connaître tous les crus des vins allemands, aussi bien que la genèse historique de tous les antagonismes politiques, économiques, idéologiques et religieux de l'Allemagne moderne et ancienne.

Quant à l'histoire du parti communiste allemand, elle nous est enseignée tout autrement que dans les manuels scolaires en usage chez nous. Le professeur, parlant des communistes allemands, utilise habituellement la formule: "notre potentiel à l'intérieur de l'Allemagne". Pendant un cours de deux heures on n'entend pas une seule fois l'expression: "Parti communiste allemand". Ce serait sans doute lui faire trop d'honneur.

Un jour, l'un de mes camarades demande au professeur:

– Comment expliquez-vous que des Allemands communistes ne traversent pas les lignes pour venir de notre côté? Je sais que cela n'arrive jamais.

– Si vous vous donnez la peine de réfléchir, vous comprendrez vous-même pourquoi! Nous n'avons pas besoin de ces transfuges!

Mais qu'est donc devenue la masse agissante du parti communiste allemand? J'ai eu souvent l'occasion d'entendre des discussions sur ce problème lorsque j'étais sur le front.

L'Allemagne, autrefois, avait, la première, renoué des liens étroits avec l'Union soviétique. Le parti communiste allemand était le plus fort et le plus nombreux des partis communistes étrangers. La casquette de Thaelmann était aussi connue cbez nous que la barbe de Karl Marx. Maintenant...

Eh bien, maintenant, les Allemands se battent comme des enragés, aucun ne se rend volontairement; et notre propagande, oubliant soudain la solidarité de classe, stigmatise touz8 les Allemands sans distinction en les appelant: fascistes!

Elle ne conseille qu'une chose: "tuer le boche". Pourtant, Hitler n'a sans doute pas pu mettre tous les communistes dans dés camps d'internement. Notre propagande elle-même ne s'amuserait pas à l'affirmer. Et le nazisme est dans tout son éclat. Que sont donc devenues la conscience allemande communiste, la solidarité prolétarienne et la lutte des classes?

Notre Académie vient d'emménager dans de nouveaux locaux, qui se trouvent à Lefortovo, dans la banlieue de Moscou, non loin de l'Ecole Supérieure de motorisation. L'édifice est assez lugubre et ressemble à une caserne. Du temps des Tsars, il y eut ici une Ecole de Junkers et une Ecole d'artillerie.

Dans les journées d'automne, on peut contempler un spectacle amusant. Des étudiants rôdent dans la cour de l'Académie sous la surveillance de sentinelles qui sont elles-mêmes des étudiants. Ces étudiants mis aux arrêts n'ont plus leurs épaulettes et leurs ceinturons. Ils sont simplement armés de balais et de pelles. Et sans se hâter ils entassent les feuilles d'automne.

C'est un travail aussi productif que celui de verser de l'eau dans une cruche percée. Mais les balayeurs ne semblent nullement impressionnés, ils s'ennuient à mourir et attendent l'heure du dîner. Ils trouvent plus désagréable la punition qui consiste à les mettre en ligne à quelques pas les uns des autres et à les obliger à ramasser les mégots de cigarettes. L'occupation est quelque peu humiliante.

Quelqu'un a gravé avec un couteau sur la porte de la salle de police: "Je t'apprendrai à aimer la liberté." C'est une phrase très à la mode dans l'armée. Parfois les généraux la lancent ironiquement aux officiers, après une inspection où ils ont constaté un manque de discipline. Au cours d'exercices les sergents hurlent cette même phrase aux soldats en les assaisonnant d'injures.

Un jour d'hiver ce fut mon tour d'être de garde dans le poste intérieur de l'Académie. D'après le règlement je me trouvais donc être chef de la salle de police.

La plupart de mes prisonniers purgeaient une peine pour avoir eu zéro aux examens; les autres étaient là pour des infractions à la discipline.

Après l'exercice du matin et le ramassage des mégots, mes prisonniers étaient conduits sous bonne escorte à leur pitance. Cela se passait ordinairement lorsque tous les autres élèves de l'Académie avaient terminé leur repas. Près des cuisines mes gaillards se sentaient à leur aise. Les cuisiniers leur servaient généreusement des gamelles pleines de riz et de compote de prunes. Des litres de cacao leur étaient distribués. Nous autres bénéficions de la ration n° 9 qu'on appelle la ration académique, mais nous avions plus de peine qu'eux à obtenir du supplément. Car les cuisiniers savaient que les punis étaient chargés de la coupe du bois.

L'un de mes pensionnaires de la salle de police se mit en grève dès le début. Lorsque ses camarades furent appelés pour le ramassage des mégots, il me déclara sèchement: "Ça n'est pas un boulot pour moi!" Lorsque je vins spécialement lui proposer d'aller déjeuner, il murmura dédaigneusement:

"Je ne peux pas manger cela!"

Le croyant malade et pensant le guérir en lui offrant à fumer, je lui proposais d'aller chercher de la makhorka (tabac ordinaire).

Les prisonniers n'ont pas le droit de fumer, mais il faut bien s'aider entre camarades.

– Non, merci, je ne fume pas la makhorka!

Et me tendant un paquet de Kazbek à peine entamé:

– Sers-toi si tu veux!

Nous étions tous habitués à fumer la makhorka qu'à chaque coin de rue vendaient des invalides. Notre solde mensuelle, de huit cents roubles, ne nous permettait pas d'acheter souvent du Kazbek à quatre-vingts roubles le paquet.

Un peu plus tard, les autres prisonniers occupés à scier du bois m'apprirent que le gréviste ne mangeait rien depuis deux jours, mais qu'il attendait la venue de son père. Lorsque après le dîner tout le monde fut réuni sous les verrous, je me mis à étudier de plus près le cas de ce fils à papa. Vingt ans à peine, mais un visage jaunâtre et bouffi sur lequel s'esquissait un sourire de dédain, et qui portait toutes les traces de la grande vie nocturne. II sentait à plein nez la Bohême moscovite. Et son visage orné de cheveux noirs enduits de brillantine et d'une mince moustache, faisait penser à un acteur d'Hollywood.

Pour tuer ses heures de solitude, le garçon se lançait dans de longs discours. Il faut reconnaître qu'il ne manquait pas de pittoresque. Il semblait, de plus, être au courant de tous les grands et petits mystères du monde moscovite. Il jonglait avec les problèmes politiques les plus importants, comme s'il avait été un habitué du Kremlin. Fort intéressé, j'ordonnai à la sentinelle de fermer à double tour la porte extérieure. Après quoi prisonniers et gardiens purent s'installer agréablement dans le couloir en fumant et en bavardant.

Pour mettre à l'aise le rebelle, je lui demandai une fois encore pourquoi il s'abstenait de manger. Comme s'il trouvait ridicule de s'arrêter sur une pareille bagatelle, il haussa les épaules et me dit:

– Mais une nourriture aussi grossière peut me rendre malade! Je préfère attendre. Pensez-vous que je resterai longtemps ici? Papa a promis de venir voir demain le général.

Ayant consulté le registre de salle de police, je savais qu'il était enfermé depuis dix jours. Feignant la naïveté, je lui demandai:

– Est-il possible que tu manges mieux chez toi? Mon admiration naïve produisit l'effet voulu:

– On me sert à la maison, à toute heure, du chocolat et de crème. Et dans l'armoire de l'office, il y a en permanence des gâteaux de toutes espèces. Le soir je suis toujours dans les boîtes les plus chics de la ville, soit au "Métropol", soit au "Moscou". Là aussi il y a de quoi bouffer.

La plupart des Moscovites savent que ces boîtes de nuit réservées aux étrangers et à un public privilégié, ont un personnel composé uniquement d'agents de la NKVD et ainsi, pour des simples mortels, l'accès en est dangereux. Celui qui s'avise d'y fourrer le nez deux ou trois fois de suite, est convoqué par la NKVD. On lui exhibe ses additions dont chacune représente le salaire mensuel de l'homme de la rue. Et on lui demande poliment d'expliquer comment il alimente son budget.

– Ton père gagne sans doute beaucoup d'argent, remarque l'un de ses camarades.

– Non, répond le moustachu. Mais il est membre du Comité Central.

L'auditoire répondit à cette déclaration par un respectueux silence, mais chacun continua à fumer le délicieux Kazbek dont le papa du Comité Central, sans doute, avait abondamment pourvu son fils.

Jusqu'à la sonnerie du clairon, le soir, le garçon nous amusa avec ses ragots de cour. Il nous raconta comment la fille du maréchal Timochenko, appétissante créature, se mettait à danser toute nue sur une table ou un piano à queue au cours de beuveries intimes. Il s'amusa à nous détailler les aventures équivoques mais amoureuses du fils de Mikoyan membre du tout-puissant Politburo. Il appela d'ailleurs le redoutable Anastase Mikoyan par son diminutif familier:

"Stassik".

A en juger par le nombre de détails savoureux qu'il nous servait en abondance, je pensais qu'il avait dû participer lui-même à de semblables orgies. Ces anecdotes auraient intéressé un neuropathe ou un juge d'instruction spécialisé dans les affaires sexuelles. Avec la même désinvolture et le même cynisme, notre fils à papa ouvrit les pages les plus intimes de la vie familiale du "patron".

Nous apprîmes ainsi que Svetlana, la fille bien aimée de Staline, avait été courtisée fort longtemps par l'un des régisseurs des théâtres de la capitale, mais l'affectueux papa finit par envoyer le tenace admirateur de sa fille en Sibérie. Un peu plus tard, Svetlana devint follement amoureuse d'un modeste étudiant. Cette idylle très pure était troublée par les innombrables anges gardiens de la NKVD qui suivaient partout la fille du chef de l'Etat.

Ce dernier en eut vite assez et s'apprêta à lancer l'étudiant sur les traces du régisseur, quand Svetlana protesta avec une telle fureur que pour une fois son père dut battre en retraite. Il lui sembla sans doute gênant d'expédier sa propre fille en Sibérie. Et comme il n'y avait plus de couvent en Russie pour le tirer d'affaires, il céda sur toute la ligne. Svetlana finit par épouser secrètement l'étudiant et le beau-père fut placé devant le fait accompli. A cet endroit de son récit, notre bavard cligna malicieusement de l'œil.

Raconter de telles choses et devant un si nombreux auditoire aurait été pour un simple mortel, jouer avec la mort. Mais notre garçon n'avait pas l'air de s'émouvoir, puisqu'il passa très rapidement au récit des aventures galantes de "Vaska" Djougachvili. Il était évident que le second fils de Staline était à ses yeux un idéal difficile à atteindre. "Vaska" n'apparaissait sur le front que lorsque le dictateur, en ayant assez, expulsait son fils pour quelque temps de la demeure familiale, afin de la dégriser un peu. Notre prisonnier jurait ses grands dieux que la carrière de chaque actrice des théâtres moscovites commençait obligatoirement dans le lit de "Vaska".

Puis, il passa en revue en notre compagnie les nouvelles de la science et de la technique.

– Kostikov est lui aussi sous les verrous, nous annonça-t-il en jouant avec sa boîte de cigarettes.

Kostikov est l'inventeur et le constructeur des armes réactives appelées "lance-mines de la garde" et baptisées par les soldats: "Katouchka". Pour la première fois, en 1937, dans la liste des hautes décorations, figurait parmi les illustres généraux et les as de l'industrie militaire, le nom, jusqu'alors inconnu, de l'ingénieur Kostikov.

Plus tard il fut officiellement déclaré qu'il était le constructeur de la Katouchka. On lui décerna en même temps que les plus hautes décorations, le grade de général lieutenant des troupes techniques. Pendant les années critiques de la guerre, grâce aux qualités de son invention, Kostikov fut considéré comme un des grands espoirs de la patrie.

– Ce n'est pas possible! s'exclama avec incrédulité l'un des prisonniers. Un tel homme ne peut pas être sous les verrous.

– Si, car il y a des raisons, répondit le fils à papa. Sous les verrous ces gars-là travaillent mieux encore, l'expérience le prouve. Te souviens-tu de Toupolev? C'était le seul homme en U.R.S.S. qui avait un compte courant privé dans la Banque d'Etat et un crédit illimité, il n'avait qu'à venir Toupolev, tirer le chèque qui lui chantait... un million, dix millions de roubles! Eh bien! on l'a mis lui aussi à l'ombre quand l'heure a sonné.

Le bavard était loin d'être bête, il jugeait en réaliste le monde dans lequel il vivait et avait parfaitement conscience des différences de classes. Pour l'un, c'était le "Métropol" et les actrices du théâtre, pour l'autre, c'était "sous les verrous, ils travaillent mieux!".

Anatole Mikàhilovitch Toupolev était le plus remarquable constructeur d'avions alors que l'aviation soviétique n'en était qu'à ses vagissements. Tous les avions russes connus, à commencer par les quadrimoteurs qui participèrent au sauvetage des hommes de l'expédition de Tchéliouskine et les bombardiers à long parcours, sur lesquels Tchkalov et Gromov avaient exécuté par le Pôle nord leur raid vers l'Amérique, tous ces avions portaient la marque A. M. T. et étaient le fruit des travaux de Toupolev. En 1937, de même que des milliers et des milliers d'autres savants, Toupolev fut arrêté et disparut sans laisser de traces. On apprit son arrestation quand les avions A. M. T. changèrent de nom et s'appelèrent soudain Zag.

Sept ans plus tard, lors de la rupture de la ligne Manheireiro, dans l'isthme de Carélie, au printemps 1944, passèrent au-dessus de nos têtes, des nuages de nouveaux bombardiers bi-moteur, que nous baptisâmes "Nez rouge". C'étaient les nouveaux enfants de Toupolev. Toutes ces dernières années il avait travaillé comme par le passé dans un bureau d'études spéciales dont le personnel était composé uniquement de détenus. La seule différence avec le passé consistait simplement dans le fait que chaque savant, chaque ingénieur avait derrière lui un agent armé de la NKVD.

Lorsque après le clairon du soir les détenus furent emmenés dans leurs cellules, le commandant qui faisait l'inspection, hochant la tête, lança à la cantonnade:

– Il faudrait transformer tous ces parasites en savonnettes. Ce monsieur ne daigne rien manger, sauf du chocolat! espèce de...

Le lendemain une luxueuse auto américaine s'arrêta devant le perron de l'école. Un homme petit et gros, confortablement vêtu, monta rapidement les marches. Je suivais ce spectacle de la salle de garde située juste en face du bureau du général commandant l'école.

Quelques minutes après le téléphone sonna: le général ordonnait de libérer avant terme le fils à papa. Lorsque la sentinelle me l'amena pour que je lui rende ses épaulettes, son ceinturon et divers objets, le gros petit homme, emmitoufflé dans sa pelisse, sortit justement du bureau pour se diriger vers sa voiture.

Son fils se recula précipitamment dans le fond de la pièce. Il préférait sans doute ne pas hâter le moment de la rencontre familiale et il respira avec soulagement quand il fut assuré que le membre du Comité Central, le camarade de son père, ne 'avait pas remarqué.

Février 1945. La contre-offensive allemande dans les Ardennes a échoué, les forces alliées se préparent à traverser le Rhin et à affronter la ligne Siegfried. Nos troupes, après une longue préparation, ont déclenché une offensive sur l'Oder en brisant les fortifications du mur de l'Est.

Aussi curieux que cela puisse paraître, les conditions de vie à Moscou se sont améliorées. Est-ce parce que le marché s'est stabilisé? Est-ce parce que la population s'est habituée aux privations actuelles? Est-ce parce que les succès militaires et l'espérance de la victoire font oublier aux habitants les difficultés matérielles? Ce qui est certain, c'est qu'un vent d'enthousiasme balaie aussi bien les armées que l'arrière.

Un miracle s'est accompli: au lieu de s'épuiser dans la lutte, notre armée sort de l'épreuve plus forte que jamais, tant au point de vue moral qu'au point de vue technique. A la fin des hostilités nos troupes sont abondamment pourvues en avions, en chars, armes automatiques, munitions, équipements. Comparée au dénuement du début, notre richesse actuelle pose une énigme.

Est-ce là le résultat de l'effort industriel du pays accompli au cours des hostilités? Ou est-ce un facteur moral? Ou est-ce uniquement l'apport matériel de nos alliés occidentaux? Non, toutes ces explications paraissent insuffisantes et trompeuses. Le potentiel industriel du pays a sans doute diminué depuis 1941. Le facteur moral, certes, compte et il donnera matière à réflexion aux historiens futurs. Néanmoins, les plans préétablis par le Kremlin se sont avérés complètement faux.

Mais en remaniant totalement les slogans de leur propagande intérieure, en profitant habilement aussi des erreurs psychologiques des Allemands, les maîtres de l'U.R.S.S. ont réussi à dominer de nouveau les esprits en évitant le désastre de justesse. L'aide matérielle des Alliés a été massive, elle a soulagé énormément le sort de nos armées et de notre peuple; elle a abrégé la durée de la tuerie. Mais pris séparément, aucun de ces trois facteurs n'a joué cependant un rôle déterminant.

Au sein de notre Académie j'entends souvent parler des "trois étapes". En rejetant divers détails, cette théorie explique d'une façon assez nette les événements de ces dernières années. La théorie en question est née, semble-t-il, dans les milieux mêmes du Kremlin et dans les cercles de l'état-major général de l'armée soviétique. Ce n'est pas en vain, soit dit en passant, que notre Académie a été baptisée "la boîte du Kremlin"!

Ce n'est pas en vain que beaucoup de nos camarades ont leurs papas derrière eux qui siègent dans le Grand Etat-Major! Il est d'ailleurs caractéristique que chaque fois que l'on aborde de pareils problèmes, l'homme au courant des affaires et qui a pris la parole, affirme qu'il rejette les versions officielles. Il est convaincu d'exprimer ses propres idées mais ce n'est là qu'une illusion. Le pouvoir soviétique ne dispose pas seulement des armes officielles de la propagande: presse et radio.

Les agents de la NKVD sont partout présents. Ils ont souvent la mission d'informer les masses populaires en marge de la propagande officielle. Mais ces piliers du régime, eux-mêmes, parlent parfois dans un cercle intime en oubliant la leçon apprise. Bien entendu, le Politburo ne reconnaîtra jamais la paternité des "trois étapes".

Trois étapes? Oui, car l'histoire de cette dernière guerre peut être partagée en trois périodes.

La première a commencé le jour où fut signé le pacte d'amitié germano-soviétique. Mais il est utile d'ouvrir ici une parenthèse.

En septembre 1939, aussitôt après la signature de ce traité, J'avais été appelé pour diverses expériences pratiques à l'usine " Rostselmasch", le plus important consortium de fabrication de machines agricoles, non seulement d'URSS mais de toute l'Europe.

Dès que j'entrai dans l'atelier où j'avais à travailler, je fus stupéfait. Une immense machine compliquée ayant la forme d'un fer à cheval, demeurait immobile. Mais par contre le moindre coin de l'atelier était encombré par un objet nouveau de production, en l'occurrence, des milliers de pièces devant servir à l'artillerie anti-char. On les fabriquait comme des petits pains dès le lendemain de la signature d'un contrat d'amitié.

Une activité analogue remplissait tous les autres ateliers. Le jour même de la signature du pacte, sur un signal télégraphique de Moscou, on avait ouvert dans chaque usine, l'enveloppe secrète contenant les ordres de mobilisation.

Des fébriles préparatifs de guerre étaient partout visibles en URSS dès septembre 1939, mais on ne savait pas exactement de quel côté de la barricade nous allions nous placer. La plupart de mes camarades pensaient alors que le Kremlin avait décidé de partager le monde avec l'Allemagne. L'amitié avec le Reich hitlérien donnait déjà ses fruits. Les sous-marins allemands, achetés par l'URSS, arrivaient à Kronstad. Nous avions commandé à l'Allemagne plusieurs vaisseaux de haute mer; mais ils ne nous parvinrent pas à temps. Car l'amitié avait sans doute fonctionné à une cadence trop rapide.

Déjà au début du printemps 1941, le Politburo s'était rendu compte que la guerre inévitable était toute proche. C'est alors que ses membres se réunirent en session secrète et extraordinaire; ils approuvèrent les principes d'une stratégie nouvelle, née d'une situation nouvelle. C'est alors aussi que fut créé le Comité de la Défense dont on n'annonça l'existence que lorsque les hostilités furent commencées.

Les bolcheviks se rendaient pleinement compte de l'importance des forces en présence. Ils comprenaient la chose peut-être mieux que le commandement suprême allemand. Mais, malgré la préparation à la guerre, la balance ne penchait pas en faveur des bolcheviks. Leurs chances de salut ne résidaient que dans une guerre longue, où l'adversaire devait fatalement s'épuiser, où l'immensité du territoire russe pouvait être mise à profit.

Le plan de guerre adopté par le Kremlin avait donc un caractère purement défensif. Mais là encore, existait une chance de salut. Quant à la victoire finale, les hôtes du Kremlin n'y songeaient pas. Cette guerre défensive, cette stratégie de la terre brûlée étaient très coûteuses. Elles réclamaient, de la part du peuple, de monstrueux sacrifices. Et elles étaient un démenti permanent à la propagande soviétique d'avant-guerre qui avait promis une guerre "avec peu d'effusion de sang" et menée sur une terre étrangère.

C'est alors que furent fixées approximativement les limites de la retraite, les sacrifices nécessaires en hommes, et les réserves qu'il fallait conserver coûte que coûte. En prenant ces décisions, les membres du Politburo sentaient déjà sur leur cou le chatouillement désagréable de la corde de potence. Il fallait sauver sa peau d'abord. Quant au prix que cela coûterait! Bah, on professait la doctrine matérialiste...

C'est dans ces conditions que commença la 2' période. Dès juin 1941, des masses de soldats furent dirigés vers le front vêtus de vieilles hardes et pas toujours armés, puisque le mousqueton modèle 1891 faisait parfois défaut. Mais à la même époque, des tonnes et des tonnes d'équipements automatiques étaient soigneusement enfouis dans des dépôts bétonnés. C'étaient les réserves de l'avenir, celles de la 3" période. Ces dépôts s'écroulaient parfois ou tombaient aux mains des Allemands mais le matériel n'était pas livré aux combattants.

Pourtant, durant cette période, tout ne se passa pas comme l'avaient prévu les dirigeants de l'URSS. Ils s'étaient trompés lourdement sur l'état moral de la nation. Le peuple russe ne voulait nullement combattre pour le Politburo. Le moral des armées étant plutôt mauvais, les pertes en vies humaines furent plus élevées que ne l'avait prévu le chef de l'Etat. Il fallut prendre des mesures extraordinaires et donner à la guerre un caractère national, patriotique, pour combler cette lacune. La perte des territoires était dans ses grandes lignes conforme aux graphiques établis d'avance au Kremlin, mais ces pertes territoriales coûtaient trop de vies humaines...

Cependant, le Kremlin demeura un certain temps fidèle à son plan. Il garda tout ce qu'il avait de meilleur en hommes comme en matériel. Des femmes et des vieux de soixante ans furent sacrifiés. Pendant ce temps les réserves attendaient l'heure H dans les provinces de l'extrême-orient russe.

Puis commença un nouveau jeu. Le Politburo tenta par tous les moyens de camoufler ces réserves et d'obtenir ainsi de ses Alliés occidentaux, une aide matérielle colossale. C'étaient les démocraties qui voulaient donner le coup de grâce à l'Allemagne et dicter les conditions de la paix. Néanmoins les bolcheviks furent malins en libérant in extremis toutes leurs réserves qui survécurent ainsi au désastre et permirent à l'URSS d'être le principal vainqueur.

Durant la 3e période qui débuta en 1944 et qui vit chaque jour l'avance des troupes soviétiques vers l'Occident, nos soldats reçurent de plus en plus du matériel d'excellente qualité et de fabrication russe. Nos officiers d'état-major étaient parfaitement au courant du fonctionnement des armes automatiques qui arrivaient quotidiennement, en 1945, sur les divers fronts.

Le Politburo n'est jamais avare de vies humaines. Vers la fin de la guerre, le manque d'hommes se faisait plus sentir que le manque d'armements. La situation était plus mauvaise encore dans le domaine du ravitaillement qui avait été négligé en période de guerre. Ayant donné toute leur attention à la grande industrie militaire, les bolcheviks avaient négligé ce qu'ils croyaient être un problème secondaire.

Ces jours-ci a pris fin la conférence de Crimée entre les trois grands belligérants. Dans les milieux qui touchent de près le Kremlin, on parle presque ouvertement des deux tentatives faites par Hitler en vue de négocier.

Le premier sondage pour une paix séparée fut entrepris au moment ou l'armée soviétique prenait pied d'une manière définitive sur la rive droite du Dniepr.

Le Politburo engagea volontiers les pourparlers. Sa condition principale était le rétablissement de l'URSS dans ses frontières de 1941. Ce fait révèle le peu de confiance qu'avaient encore à cette époque les bolcheviks sur leur succès final. Le souci principal était de conserver leur peau. Mais de son côté, bien que la chance ait déjà tourné, Hitler gardait encore une aveugle confiance dans son destin et son génie. Il exigea des bolcheviks l'Ukraine de la rive droite. Dans cette affaire, les deux partenaires jouaient encore assez franc jeu, et Staline se trouvait plus à son aise dans ces négociations cyniques, qu'au cours des subtiles discussions auxquelles il devait se livrer lorsqu'il avait à faire à ses Alliés occidentaux.

La seconde tentative de négocier fut entreprise par Hitler au moment où les événements faisaient chanceler son empire, mais avant la conférence de Yalta. En se rendant en Crimée, Staline n'hésita pas à se livrer à un petit marchandage avec le chef de l'Allemagne. Pour Staline, le problème était simple: qui allait lui donner davantage?

Cette fois, Hitler dut payer cher pour la superbe qui avait été sienne au cours des premières négociations. Les bolcheviks ne songeaient plus maintenant à se contenter des frontières d'avant-guerre. Ils demandaient la liberté d'agir dans les Balkans, la possession des détroits et de vastes concessions dans le Proche-Orient. Et c'est à Hitler qu'on proposait les frontières d'avant-guerre. Les rêves d'un empire universel avaient changé de camp. Mais Hitler refusa catégoriquement. C'est alors que fut signée la condamnation à mort de l'Allemagne hitlérienne.

La conférence de Yalta donna l'apparence d'un complet accord entre les Alliés. A cette époque Staline avait décidé de ne plus traiter secrètement avec l'Allemagiie. Toute son attention fut attirée par le jeu diplomatique qu'il entendait mener contre ses Alliés de l'Ouest. Dans le palais du Livadia, il se sentait plus à son aise qu'à Téhéran. Aussi préféra-t-il à la politique des exigences brutales, celle des marchandages, des demandes de divers avantages, de garanties qu'il ne songeait d'ailleurs pas à respecter. Il lui semblait prématuré de manifester sa force. D'ailleurs, le Politburo ne se rendait pas compte lui-même de quelle force il disposait. Il fallait gagner du temps et obtenir le plus grand nombre de concessions.

Durant ce temps, pour un simple habitant de Moscou, la grande politique du jour signifiait que le pain coûtait encore cinquante roubles le kilo.

A la mi-février 1945, je terminai avec succès les examens de 4e année. Etant donné que j'avais déjà étudié une série de "disciplines" dans d'autres Facultés, mes études s'achevaient dix jours plus tôt que celles de mes camarades.

Avec difficulté je réussis à obtenir une permission d'une semaine. Sous prétexte de mission, l'Académie obtint une feuille de route à mon nom, grâce à quoi je pus me rendre dans ma ville natale, dans le Midi. Ce voyage ne me rasséréna guère et ma ville me laissa la même impression qu'un jardin d'automne âpres une vive tempête.

Avant la guerre, Novotcherkask était connue comme une ville de la jeunesse. Maintenant, descendant la rue principale en sortant de la gare, je ne rencontre que des vieilles femmes silencieuses, caractéristique générale de nos villes de l'arrière; elles sont vides et comme mortes.

Au coin des rues, des femmes blotties dans leurs châles se tiennent sur des escabeaux, elles vendent des graines de tournesol et des bonbons acidulés. Comme en 1921! Mais à cette époque on pouvait leur acheter quelque chose pour 5 kopecks. Aujourd'hui je dois donner un billet de 30 roubles à mon neveu pour qu'il puisse s'acheter des graines de tournesol. Autour de moi, c'est une immense misère, un immense épuisement. Les conditions les plus difficiles de l'avant-guerre prennent aujourd'hui l'aspect d'un âge d'or.

Novotcherkask avait été durant plusieurs mois occupée par les Allemands. J'avais donc hâte d'entendre des témoignages de mes amis sur cette occupation. Cette dernière avait causé à tous les Russes un problème passionnant. La plupart de mes compatriotes avaient avant les hostilités une très haute opinion des pays occidentaux.

Même lorsque la guerre éclata et que la réalité vint contrarier cette haute opinion, beaucoup de mes concitoyens persistèrent à nier l'évidence. Les Russes, riches d'une expérience de nombreuses années, ne voulaient point donner raison à la propagande du régime. Malheureusement cette fois, la propagande soviétique était en dessous de la réalité. Mes compatriotes furent contraints d'admettre l'évidence. Et c'est ainsi que se dissipa le mirage de l'Occident.

Lorsque, de retour à Moscou, je sortis de la gare, j'éprouvai le soulagement d'un homme qui, revenant du cimetière, rentre chez lui. Là-bas, à Novotcherkask, après les horreurs de l'occupation, une période nouvelle commençait, celle de l'attente du suprême châtiment. De vastes régions de l'Union Soviétique, comprenant plus de la moitié de la population totale du pays, ayant vécu sous la botte hitlérienne, avaient échappé du même coup au contrôle bolchevik. Maintenant, au-dessus de chaque tête planait la menace du châtiment pour "trahison de fa patrie de complicité avec l'envahisseur fasciste".


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